Il était une fois, un jeune couple de Flamant rose qui s’apprêtaient à connaitre la plus merveilleuse aventure de la vie, « devenir parent ». Une véritable histoire d’amour, de désir, de passion les unissait depuis plusieurs années. Ils s’aimaient, et l’arrivée prochaine de cet enfant éclairait déjà leur existence.

Ils habitaient à proximité des marais salants de Béluga la Baleine, à l’îlot du Fangassier, au milieu de leurs congénères échassiers. Un nid bâti sur un petit îlot, surélevé par un monticule de boue, qui le rendait inaccessible aux prédateurs. Toutes les conditions réunies pour s’assurer d’une existence familiale paisible et chaleureuse. Depuis près de 30 jours, le couple se relayait jours et nuits pour couver l’œuf de cet enfant tant désiré. Ils lui susurraient quelques mots tendres, caressaient la coquille et surveillaient le moindre indice de son arrivée.

A l’aube de la 31ème journée, au précieux instant de la journée où apparaissent à l’horizon les premières lueurs du jour, l’œuf se mit à vibrer et tinter. Les deux tourtereaux s’illuminaient de bonheur, le grand moment tant attendu se profilait enfin. Après quelques coups de becs, ils purent enfin apercevoir la magnifique frimousse de leur bébé flamant. L’œil vif, le petit bec tout rose, un duvet blanc très pur, bref, un merveilleux petit poussin. Les parents s’échangeaient des regards admiratifs, Li péquelew était enfin là, un petit garçon, comme ils en avaient tant rêvé !

Les jours passaient, « Pink Fly» le petit galapian grandissait, sous le regard attendri de ses parents. Une véritable bazarette, on l’entendait jacasser toute la journée, il parlait de longue… Pourquoi, comment, c’est qui, il s’intéressait à tous les sujets de la Camargue, les taureaux, les chevaux, les moustiques, l’ornithologie, le sel… Il était si fier d’être Camarguais !

Après avoir bien poutounégé le pitchou, il était temps pour les parents de reprendre le travail, il allait désormais passer ses journées à la crèche, au milieu de ses congénères. Mais le temps lui paraissait bien long, lui qui voulait découvrir encore les légendes de sa Camargue natale, que ses parents lui narraient à longueur de journée. Il y avait un tel brouhaha au sein de la colonie, tous des répoutégaïres ! Quel bonheur de retrouver ses parents après leur journée de labeur, le jabot rempli de cette délicieuse nourriture dont il était si friand !

Une seule question le dévariait depuis quelque temps, pourquoi les flamants doivent ils immanquablement devenir rose ? Ne serait il pas envisageable, de rester blanc pour se distinguer de ses semblables ? Il adorait sa famille, mais ils ne voulaient pas devenir comme tous les autres, il voulait devenir « Pink Fly », le premier flamand Blanc, lumineux comme l’or blanc de la mer !

Un jour, il se décida à en parler à ses parents. Mais, ils en furent tout estourbis, espantés par tant d’impertinence :

«- Pink Fly, notre couleur c’est notre victoire, elle apparait au fil du temps, au gré de nos efforts, grâce au pigment de carotène contenu dans notre alimentation. C’est une grande fierté de pouvoir porter le plumage le plus convoité de Camargue. Les touristes du monde entier nous badent pour cela. Tu ne peux pas nous trahir mon pitchou …

- Mman, pa, je respecte la tradition, mais je n’aime pas le rose, je préfère le blanc et puis je veux être différent, ils sont si ennuyeux les copains. Tu sais les touristes, ils s’en tapent le coquillard, que l’on soit rose ou blanc ! Je ne veux pas devenir un oiseau de Barbie .

- Sios Testard petit droulas ! Tu nous escagasses à vouloir nous faire perdre la figure, és coumo quo ! oh pauvre, tu nous enfades ce soir avec tes revendications… Allez Zou, va donc te coucher ! »

Pink Fly, ne pouvait se satisfaire d’une telle réponse, c’est décidé, le cœur brisé, demain il quittera l’étang du Fangassier, pour mener la vie qu’il avait choisi. Il prouverait ainsi qu’un flamant blanc peut également être élégant et faire l’objet de toutes les convoitises. Il lui suffit d’éviter de manger les artémias, les algues et quelques invertébrés, et hop il resterait blanc !

Alors que depuis quelques semaines, il s’entraînait à battre des ailes, au petit matin il prendra son premier envol.

Au prix d’un grand effort, il décolla voluptueusement vers l’infini, il se dirigea vers la Capitale (Saint-Gilles pour les initiés) où il savait qu’il allait trouver quelques rizières pour se réfugier.

Il trouvait enfin la liberté, mais à quel prix, il sacrifiait l’amour de ses parents. Il en souffrait terriblement, même s’il était convaincu de les revoir un jour.

Après quelques jours d’errance, il s’était installé, non loin du Mas Canavère. Il gratouillait les rizières pour y trouver quelques nourritures aquatiques blanches, qu’il filtrait avec son bec pour contrôler la coloration de son plumage. De temps en temps, il était escampé par quelques coups de canons très sonores utilisés pour effaroucher les oiseaux. Il est vrai que les rizières subissaient quelques dégâts notoires, les semis sont piétinés sans cesse par bon nombres d’espèces animales.

Ses parents de leur côté, se morfondaient de chagrin et d’angoisse. Quel bédigas ce petit, ils le savaient pourtant bien dégourdi, et semblaient persuadés de son retour.

Un soir d’été, alors qu’il rêvassait tout en marchant, il rencontra un héron cendré. Une silhouette sublime, de longues pattes, un plumage gris et blanc. C’était une véritable révélation !

En l’apercevant, le Héron « Patapon », engagea la conversation :

« - Oh coulègo, tu es tout seul ? A voir la couleur de ton plumage, tu dois être bien jeune ? D’habitude, les Flamants vivent plutôt en groupe, et sont rarement solitaires.

- J’ai dû quitter ma famille, qui ne comprenait pas ma décision de rester blanc, je n’aime pas le rose.

- T’es pas un peu fada toi ! Putain, vous êtes les rois pour tous les touristes et tu me dis que tu ne veux pas devenir rose. Oh blanquinas, il est temps d’atterrir, tu ressembles à rien comme ça ! Toi alors, tu pars en biberine !

Une rainette Terre de Port qui passait par là s’esclaffa de rire, les culévas pouffaient à se faire péter l’embouligue. Il était la risée de tout le monde. Décidément la vie ne l’épargnait vraiment pas.

- Ecoute moi bien le cabourd, si tu veux faire taire les langues de peille, tu as tout intérêt à revoir tes décisions. Tu donnes plutôt l’impression d’avoir mangé un clown, tellement tu es ridicule.

Personne ne pouvait le comprendre, c’est vrai que son plumage manquait cruellement d’éclat, c’est vrai aussi qu’il se sentait seul.

Alors que tous ses espoirs s’anéantissaient, ce même jour une rencontre improbable allait changer le cours de son existence. Dans la rizière voisine, une famille d’échassiers venait de s’installer. Flavie, flamant de son espèce, une jeune fille d’une beauté incroyable lui apparaissait. L’œil pétillant, elle était singulière par le charme qu’elle dégageait. Et son plumage rose, il brillait de mille feux, ses yeux étincelaient. Au fil des jours, il parvint à l’approcher et l’aborder. Plus que belle, elle avait beaucoup d’esprit et dégageait beaucoup de douceur. Il était éperdument amoureux. Il dévora dès lors les petites crevettes miracles qui lui permettront d’avoir ce majestueux plumage. Au fil des jours il devint un magnifique Flamant rose, qui ne laissait pas Flavie indifférente.

Quelques semaines plus tard, ils décidèrent de se marier. Toute la famille enfin réunie, mais aussi les amis « Patapon » avait fait le déplacement.

Où ?

Mais à l’étang du Fangassier, pardine, pour voir la vie en rose …

Le F.L.I.C

Petit conte Camarguais à l’eau de rose…

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