Ici on parle vrai…
Vous l’avez sans doute remarqué, nos expressions, notre vocabulaire, notre parlé, font du Camarguais, un personnage atypique. Le parfum du soleil fait chanter la Camargue et ce n’est « qu’avé l’assent » que les mots prennent un sens plutôt coloré. C’est de la perspective ! Le parlé Camarguais ça ne se parodie pas, ce n’est pas de le faire espré de longue, ça se vit dans les mots, dans les émotions, sans langue de bois. Nos conversations se nourrissent de toutes sortes d’expressions plus ou moins dévariées.
Pas besoin de s’enquiquiner avec de belles paroles toutes prêtes qui font bon genre. Ici on ne dit pas, « Pouvez vous me servir un apéritif s’il vous plait ? » mais plutôt « Oh collègue, mets moi un pastaga avant que je me dessèche ! » ou « Oh, avise ! J’ai la gorge tellement sèche que je boirais la mer et les poissons ». C’est évident on va à l’essentiel, et dans le cas présent, c’est vraiment de la subsistance.
Certains mots révèlent une sensibilité exacerbée : « Oh couillonnasse ! Tu t’es fait niqué par la gadji ? Oh putain, pourtant elle est Bonnasse, pauvre de toi ! » On sent bien là, toute l’émulation à se surpasser loyalement à l’égard de l’autre Tarnagas quelque peu escagassé par la charmante jouvencelle !
Ici on ne fait pas le tri sélectif, ici on va aux bordilles jeter les couillandres. Tu ne te fais pas arrêter par la Police, ici tu te fais choper par les perdreaux et tu prends le compte. Ici la chaleur elle t’ensuque et y’a que les parigos qui deviennent rouge comme des escrevisses. Des espressions on en a à moudre, une palanquée de mots qui te font le soleil dans la cabessa. C’est simple, y’en a pas un qui a pu en faire un dictionnaire, y’aurait des pages en pagaille, il faudrait déboiser toutes les Cévennes. En plus d’un village à l’autre, ça change, tu t’esclafes de rire à entendre les vieux discuter entre eux. Et y’a le monde de la bouvine et la entre les banes et le bioulet, t’a pas fini de t’escagasser.
Et puis, il y a l’intonation, celle qui anime les discussions. Les mots « con » et « putain » ont valeur de virgule, pour exagérer un peu les paroles, histoire de s’enfader et de s’encanailler de temps en temps. « Oh putain, il est tellement niais qu’il ne sait pas faire un zéro avec un bol. Con, Il a été fini à la pisse celui là ! Et il est pas tout seul dans sa tête ! ». On barjaque sans tralala, bien souvent comme des langues de peille parce que ça alimente nos conversations et ça leur donne tout l’intérêt !
C’est vrai qu’ici on parle fort, c’est pas qu’on s’engatse, mais pardine, c’est pour qu’on nous entende, sinon à quoi bon parler ! On s’agite et on boulègue un peu les mains, comme dans le théâtre, même si c’est pour ne rien dire. Méfi, on ne parle pas, nous, on cause, des fois on tchatche ou mieux on torpille…
Alors ami estranger, quand tu viens nous voir, ne te moque pas, écoute nous chanter comme les cigales, à la différence que même les nines elle barjaquent.
Le F.L.I.C