LE CHIEN DE CAMARGUE...
C’est l’histoire d’un jeune chien Camarguais de couleur chocolat que l’on appelait « le Fada», il était reconnaissable à sa tête d’espéloufi et sa tronche d’esque ! Il cascaillait de longue et avait l’art d’agacer son entourage. Il passait ses journées avec la plantureuse et fougueuse «Cagole » de type bergère, de deux ans sa cadette, testarde comme une closque et également répoutégaïre. Microcéphale tous les deux, ils avaient autant de bon sens qu’un âne cornu ! Les deux compères, escournifleurs, n’avaient de cesse que de s’escamper pour parcourir leur Camargue natale et faire mille couillonneries.
Le Fada se sentait l’âme Camarguaise, un véritable abioùli, il rêvait de devenir Gardian ! Cette idée farfelue faisait mourir de rire « La Cagole» qui pensait que ce nabot et ses airs d’ensuqué avait des prétentions démesurées. Le Fada lui pensait que les batailles de la vie ne sont pas toujours gagnés par les plus forts, ni par les plus rapides mais par ceux qui n’abandonne jamais. Il avait donc décidé de vivre pleinement son aventure quoi qu’on puisse en penser !
Inutile de vous dire que leurs maitres n’avaient pas toujours le dessus face à ces deux cabourds, aussi pour les estourbir, ils les emmenaient courir régulièrement au cœur de la Camargue.
Par une belle journée de printemps, les premiers rayons de soleil naissants sublimaient la Camargue.
Toute la petite famille se dirigea vers les sentiers du « Courgoulier » pour une séance de défoulement collectif. Le Courgoulier, c’est la quintessence de la Camargue, un petit coin de paradis, de couleurs, de senteurs de sagnes, de croassements, et de chants d’oiseaux. Une véritable cathédrale de roseaux longent les roubines, tamaris et les animaux sauvages offre un spectacle vivant permanent.
Les premiers oiseaux migrateurs arrivaient en masse et se posaient gracieusement dans les marais. Une palette de couleurs merveilleuse, les Ibis avec leur plumage noir aux reflets rouilles, les blanches aigrettes et quelques flamants roses qui nichent ici et là. A peine un danger perceptible, on assiste à de belles envolées d’oiseaux merveilleuses.
La Cagole et le Fada comme à leurs habitudes foncèrent comme des jobastres vers l’entrée du chemin sinueux s’assurant quand même que leurs maitres les suivaient à l’arrière. Une belle balade, par une belle journée, s’annonce pour cette joyeuse équipe !
Mais le Fada, plus abruti que jamais, se sentait pousser des ailes, c’est alors qu’il aperçu que dans le pré d’à côté un magnifique troupeau de taureaux ! La tentation était trop forte pour notre apprenti sorcier :
« -Oh La Cagole, mate un peu sur ta droite, ça te dirait une petite virée Camarguaise ? Histoire de dérouiller les Bioùs encore tout escagassés par l’hiver? »
A l’évocation de cette proposition, la belle failli s’engavatcher !
« -Oh macarel, t’es vraiment un âne bâté! Ça va pas ta tête non ? Je te signale que non seulement ils sont très nombreux, mais en plus ils ne sont pas emboulés ces bioùlas ! »
« - La Cagole s’il te plait, on a qu’à essayer, de toute façon on court vite avec les entrainements que l’on a pendant nos virées ! On en a bravé des dangers à nous deux non ? Un de plus, C’est mon rêve, j’ai bien observé les gardians, on ne risque rien ! Sois confiante. »
A peine ces quelques paroles prononcées, ni une, ni deux, le Fada prend son élan et s’élance vers le pré en direction du troupeau. Perplexe, cagole, le poursuit pour tenter au mieux de limiter les dégâts !
A l‘approche du troupeau, le simbeù arlerta ses congénères :
« -Vé moi ces deux gobis qui arrivent pour nous enfader ! Oh colleguos, on se regroupe avec les péquélets pour les mettre à l’abri et on attend de voir ce qu’ils nous veulent ?
-Allez zou les bioùs, on se met en place pour une petite abrivado ? Vous êtes nombreux alors on s’esquiche un peu ! Et aujourd’hui, pas d’attrapaïre c’est plutôt planplanette pour vous ? Cagole tu te les emmailles sur ma gauche … »
Les bioùs étaient sidérés de l’aplomb des deux corniauds, c’était l’affolement général pour les plus jeunes peu habitués à ce genre de pratique. Les mères très protectrices suivaient le mouvement du troupeau en rassurant leur progéniture.
Un sentiment de panique envahit également les maîtres des deux chiens devenus ingérables et désobéissants. Malgré les rappels et les cris, Ils rouscaillaient méchamment, rien n’y faisait, les deux nigauds s’en battaient les fesses ! Ce n’est pas possible pour être aussi couillonnasse, ils ont du apprendre forcément, ça peut pas être naturel chez eux !
Le Fada s’y croyait vraiment, il prenait son rôle de gardian très au sérieux :
« -Roule, roule et regarde bien derrière, avise le trou ? Serre-toi un peu et tamponne bien… On doit amorcer le virage pour partir dans l’autre sens, je continue à faire le cheval de tête, j’aurai préféré avoir les premières clés avec moi, mais bon on va devoir s’en passer ! En plus on n’a pas de fer, pour les tenir. »
Le sibéù commençait à s’irriter quelque peu… Aussi aimable qu’une mouche d’âne !
« -Qu’il continu à faire le couillon celui là et je vais lui virer un moustas, et il ne va comprendre d’où ça vient ! Ça va mal virer cette histoire ? Coun qué biro ! »
« -oh la Cagole, arape lui la couette, on continue en faisant demi-tour… »
Sur le chemin du retour, La Cagole ne se sentait déjà plus très à l’aise, elle réalisait à entendre battre le rappel, que l’action de son co-équipier devenait démesurée. Elle quitta l’aventure pour rejoindre ses maitres et recevoir la rouste de sa vie.
Mais le Fada lui était imperturbable, motivé, sur son nuage il avait décidé de continuer son périple au regard de cette belle réussite. Il était enfin gardian… Ses yeux brillaient d’émotion, il était « fier comme Artaban » et ne craignait dégun…
Les péquelous tremblaient, les vaches commençaient à s’affoler de voir les pitchous si épuisés de la cadence. On entendait brailler dans tout le troupeau, tout le monde était dévarié.
« - A trop donner d’importance à un âne, il se prend pour un cheval ! ».
Le simbéù furieux face à la bêtise canine s’apprêta à charger cet espèce de tachon. Tête baissée, naseaux fumants, l’animal fonça droit dessus. Une volée extraordinaire projeta le Fada quelques mètres plus loin, totalement espataré !
« -Bougre d’idiot, hurla le tau, va barruler ailleurs, avant qu’on te fasse un bistournage à la manière du suppositoire Camarguais ! »
Secoué par cette rouste dantesque, il fila comme un péteux tout estoufégué et estourbi… Véxé d’avoir été houspillé comme un malpropre, lui le Valeureux « chien de Camargue » ! Obligé de prendre la poudre d’escampette, quelle trougne !!!
Finalement, après bien des émois, la petite famille pris le chemin du retour avec la certitude de ne plus revenir sur ce chemin avec les deux tromblons enragés !
Moralité : Il n’y a que les trous du culs qui cherchent la merde et qui la trouve !